Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sur le goût et sur l’appétit,
C’est l’avantage qui m’irrite.
L’estomac est le plus grand bien,
Sans lui les autres ne sont rien.
Un grand cœur veut tout entreprendre,
Un grand esprit veut tout comprendre ;
Les droits de l’estomac sont de bien digérer ;
Et dans les sentimens que me donne mon âge,
La beauté de l’esprit, la grandeur du courage,

N’ont rien qu’à sa vertu l’on puisse comparer.

Étant jeune, je n’admirois que l’esprit : moins attaché aux intérêts du corps que je ne devois l’être. Aujourd’hui je répare autant qu’il m’est possible le tort que j’ai eu, ou par l’usage que j’en fais, ou par l’estime et l’amitié que j’ai pour lui. Vous en avez usé autrement. Le corps vous a été quelque chose, dans votre jeunesse ; présentement vous n’êtes occupée que de ce qui regarde l’esprit : je ne sais pas si vous avez raison de l’estimer tant. On ne lit presque rien qui vaille la peine d’être retenu ; on ne dit presque rien qui mérite d’être écouté : quelque misérables que soient les sens, à l’âge où je suis, les impressions que font sur eux les objets qui plaisent, me trouvent bien plus sensible, et nous avons grand tort de les vouloir mortifier. C’est peut-être une jalousie de l’esprit, qui trouve leur partage meilleur que le sien.