Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/143

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septième siècle. On sait l’histoire du bonhomme des Yveteaux, racontée par Tallemant, et celle du père de Scarron, doyen du parlement de Paris, lequel, sous Richelieu même, fesoit profession de philosophie cynique. Marion de Lorme affectait l’imitation de l’hétaire athénienne, et l’on sait quel Alcibiade d’église s’égayoit quelquefois avec elle. Ninon de Lenclos prit le nom de moderne Léontium. Tout le commerce de galanterie épistolaire dont l’évêque de Vence, Godeau, et Mlle de Scudéry occupèrent la société parisienne, se passa sous le pseudonyme païen du mage de Sidon et de Sapho ; on n’a qu’à voir dans les recueils de Conrart. La vie des philosophes anciens de Diogène de Laërte étoit alors un des livres les plus lus, et bien plus étudié par les gens du monde, qu’il ne l’est peut-être aujourd’hui par les érudits de profession.

En vain j’irois chercher, dans la philosophie du moyen âge, l’origine du scepticisme moderne. Je le prends tout venu dans Montaigne, dont le langage, il ne faut pas s’y tromper, est l’expression des sentiments d’une époque tout entière. Ce n’est pas lui seulement qui est sceptique, c’est son siècle. La réforme ne fut elle-même, alors, pour beaucoup d’esprits, comme plus tard pour Bayle, qu’une première étape de l’incrédulité. Aussi le succès des Essais de Montaigne fut-il populaire, comme celui de Rabelais l’avoit été, quarante ans auparavant. Les éditions des Essais s’épuisèrent si rapidement, que l’auteur put en donner ou préparer six (de 1580 à 1592), en douze années, les dernières de sa vie ; ce qui est immense, pour le temps. Huet nous apprend qu’il n’y avoit pas de gentilhomme qui