Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/24

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et sous un ciel étranger, qui n’avoit point assombri ses idées :

J’ai vu le temps de la bonne régence :
Temps où régnoit une heureuse abondance :
Temps où la ville, aussi bien que la cour,
Ne respiroient que les jeux de l’amour.
        Une politique indulgente
        De notre nature innocente
        Favorisoit tous les désirs ;
        Tout goût paroissoit légitime ;
La douce erreur ne s’appeloit point crime ;
Les vices délicats se nommoient des plaisirs.

Après le triomphe du cartésianisme, Épicure conserva discrètement son empire, dans quelques salons de Paris, où se réunissoit le monde le plus lettré, le plus brillant, le plus poli. On retrouve même encore l’épicuréisme autour du trône du grand roi ; dans les habitudes et les conversations de seigneurs tels que les Créqui, les d’Olonne, les Clérembaut, les Ruvigny, les Lionne, les d’Albret et les Grammont, dont l’enjouement et l’esprit rappeloient à Louis XIV le souvenir du salon de la comtesse de Soissons, où il avoit passé de si beaux jours, dans sa jeunesse. Saint-Évremond a transporté cette philosophie en Angleterre, à la cour élégante et spirituelle de Charles II, et dans le salon de la duchesse Mazarin, dont il fut l’ami constant et dévoué, pendant vingt-cinq ans. Propagateur du scepticisme épicurien, dans ce grave dix-septième siècle, son rôle semble avoir été d’en répandre la doctrine dans la bonne compagnie. Il ne démontre pas à la façon des docteurs ; il ne tient pas école, mais il cause, il entraîne et l’on diroit que sa parole fait loi.