Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/245

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La philosophie n’étoit pas, en effet, étrangère à cette disposition. Les cartésiennes, tout comme les épicuriennes du dix-septième siècle, avoient beaucoup de sens. Les premières plaçaient différemment l’intérêt, mais ne l’écoutoient pas moins. Les autres n’ont jamais professé la doctrine du désespoir, et lorsqu’un amour manquoit à leur espérance, elles mettaient leur sagesse à s’en consoler ; on remarque même une certaine naïveté dans leurs désordres. On diroit que ces bonnes créatures ne font que suivre la loi naturelle. Il y a chez ces femmes quelque chose de la statue antique, qui est sans pudeur comme sans vice. Les facilités mondaines marchoient de pair avec les rigueurs chrétiennes. De célèbres directeurs de conscience acceptoient des engagements à terme pour la conversion, et, l’échéance arrivée, accordoient même un sursis. La pratique des voluptés du siècle s’allioit donc facilement aux observances de la religion ; et, comme on avoit toujours respecté les bienséances, la transition du monde à Dieu n’offroit pas grand embarras.

L’usage du monde avoit permis de vivre à sa guise, et d’avoir, sans scandale, des amants ou des maîtresses ; mais il imposoit de mourir décemment. Lisez cette correspondance adorable de Saint-Évremond et du chevalier de Grammont octogénaire. Celui-ci suivit la loi du monde ; l’exil en affranchit son vieux ami. Une bonne fin étoit donc de bon goût. Les âmes tendres alloient plus loin, et, pour elles, le couvent étoit la conclusion presque obligée d’une passion. C’étoit non-seulement un refuge dans les malheurs d’amour ; le monde en faisoit souvent une nécessité de situation. Où pouvoit se