Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/247

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équivoque tromperoit ceux qui ne connaissent pas le dix-septième siècle.

Conséquent avec ses principes, il se montra toujours tolérant et doux pour des fautes qui allument la colère chez beaucoup d’autres. Mais si cette indulgence n’avoit, à l’égard d’autrui, pas de limites, il n’en étoit pas ainsi pour lui-même. « Ma passion, disoit-il, ne s’oppose jamais à ce que j’ai résolu de faire par devoir. Il est vrai, ajoutoit-il spirituellement, que ma raison consent volontiers à ce que j’ai envie de faire par plaisir. » Cet heureux et permanent accord de sa raison et de ses penchants étoit le but de sa philosophie pratique, purement sensuelle en apparence, en réalité délicate et charitable. Aussi les attachements de galanterie qui ont rempli la vie de Saint-Evremond, quoique dépourvus d’éclat dramatique, ont-ils un vrai charme d’honnêteté. Ils ont tous été fondés sur une affection sincère, laquelle une fois donnée ne se démentait jamais, quoi qu’il arrivât de la galanterie. Il retraçoit ainsi lui-même la gradation de ses sentiments :

D’abord c’est une pure estime
Qu’insensiblement on anime
Avec un peu plus de chaleur ;
Puis un charme secret se glisse au fond du cœur.

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Cette estime est bientôt une tendre amitié,
Puis l’amitié devient une amoureuse peine,
Un tourment qui nous plait, etc. etc.

Peu disposé à se passionner, il écrivoit : « Dites-moi si je puis devenir votre amant, ou si je dois demeurer votre ami. Pour moi, je suis résolu de prendre le parti qu’il vous plaira ; et si je passe de