Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/285

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située derrière et joignant l’hôtel de ville. Fille unique d’un père qui étoit gentilhomme du duc d’Elbeuf, elle eut de bonne heure entrée dans la plus grande compagnie. Avec les habitudes de son temps, M. de Lenclos avoit les idées d’un épicurien. Il étoit des esprits forts du Marais. Mme de Lenclos étoit vertueuse de conduite, pieuse de sentiment, médiocre d’esprit. La jeune Anne de Lenclos, entre les exemples de sa mère et les principes de son père, fut entraînée par ces derniers. À douze ans elle avoit lu Montaigne, dont elle fit ses délices pendant le reste de sa vie. Non content d’être un esprit fort, M. de Lenclos étoit encore un habile joueur de luth. Il communiqua son talent à sa fille qui hrilloit déjà par une grâce remarquable et précoce, à la danse. Ces avantages de l’esprit et du talent, joints à une tournure enchanteresse, firent de la jeune Anne de Lenclos l’objet prématuré de tous les regards et de tous les hommages. Aussi, lorsqu’un duel célèbre (1632) eut obligé son père à s’exiler : son père qu’elle ne devoit plus revoir qu’un moment, dix ans après10, et qui la laissoit, à douze ans, sous la garde d’une mère respectée, mais d’habitudes si différentes des siennes ; les dames du voisinage, pleines de sympathie pour Ninon, s’appliquèrent à lui donner des soins. L’imprévoyance de sa mère, tout absorbée en piété, paroît avoir facilité ces re-


10. M. de Lenclos s’étoit attaché, vers l’époque de son duel avec Chabans, à l’abbé de Retz, alors simple chanoine de Notre-Dame, à Paris. Lorsqu’éclatèrent les troubles de la Fronde, il rompit son ban d’exilé, et vint rejoindre le coadjuteur, dont il embrassa chaudement le parti. Mais il survécut peu de temps à son retour à Paris, et une maladie mortelle l’enleva rapidement.