Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

delonnettes, Ninon étoit en Normandie, probablement chez M. de Varicarville où elle alloit souvent passer l’été. Loin de se cacher, elle se mon- troit à la reine de Suède, que son mot sur les jansénistes de l’amour amusa beaucoup ; et la reine écrivoit peu de jours après, au cardinal Mazarin, cette lettre dont les deux Hollandois bien instruits, qui voyagèrent en France, de 1657 à 1658, ont rendu compte ; et dans laquelle elle disoit : « Qu’il ne manquoit rien au roy que la conversation de cette rare fille pour le rendre parfaict. » Et les deux Hollandois, qui virent aussi Ninon, en cette année 1657, ajoutent13 : « Elle a effectivement beaucoup d’esprit, et tous ceux qui s’en piquent se rendent chez elle pour exercer le leur, comme sous une maîtresse avouée pour la belle galanterie : » sans y mêler un seul mot qui fasse allusion aux Madelonnettes. Ainsi c’est pur commérage que toute cette histoire, dont Voltaire lui-même a porté le même jugement: « Elle avoit trop d’amis et étoit de trop bonne compagnie, pour qu’on lui fit cet affront, dit-il. La reine, qui étoit très-indulgente, la laissa vivre à sa fantaisie14. »

Il est vrai que, vers ce temps, un petit livret de Saint-Évremond, la Conversation du maréchal d’Hocquincourt, couroit les salons, en manuscrit, et devoit exaspérer les affirmatifs, comme les appeloit Char-


13. Voy. pag. 183 de ce Journal, publié par M. Faugère, en 1862, in-8º. Douxmenil nie aussi l’arrestation.

14. D’après une autre version encore plus erronée, Ninon fut renfermée dans un couvent à Lagny, où la reine Christine auroit été la visiter. Voy. Feuillet de Conches, Causeries d’un curieux, tome II, p. 413.