Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/301

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Tout respire Saint-Évremond dans ces pages inimitables, bienséantes et polies, dont le style est bien celui de l’époque des Provinciales. Charleval, ami de Scarron, homme aimable, spirituel, mais léger, n’avoit pas laissé une ligne qui pût autoriser la conjecture Voltairienne. Aussi, son judicieux éditeur, Saint-Marc, après avoir fait une sorte d’enquête, n’hésita pas, vers 1759, en publiant les œuvres de Charleval, Normand comme Saint-Évremond, de repousser une attribution dont il n’y avoit pas un seul indice, au dix-septième siècle. L’hypothèse de Voltaire n’a pas eu plus de faveur, depuis un siècle, qu’en son temps, bien qu’elle ait été reproduite, sans vérification nouvelle, par Auger, dans un article superficiel de la Biographie universelle. Il n’est plus permis, aujourd’hui, à la critique d’hésiter16. Voltaire prétend avoir vu la copie, de la main de Charleval, de la meilleure partie de la Conversation. Voilà tout le fondement de son opinion. En supposant le fait vrai, que prouve-t-il ? Que Charleval, sceptique comme Ninon de Lenclos et Saint-Évremond, s’étoit donné le plaisir de copier les pages les plus piquantes d’un ouvrage qui ne circuloit à Paris qu’en manuscrit. La supposition que Saint--



16. M. Walckenaer, et M. Sayous ; M. Hippeau, fort instruit de l’histoire littéraire de la Normandie ; M. Lacour, spirituel éditeur de la Conversation du maréchal d’Hocquincourt, et Durozoir, auteur de l’article : Saint-Évremond, dans la Biographie universelle, partagent ce sentiment, en faveur duquel je crois pouvoir invoquer une autorité plus considérable encore, celle de M. Sainte-Beuve.