Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/320

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mond, la Rochefoucauld, Clérambaut s’y rencontroient.

En ce temps-là, vivoit à la rue des Saints-Pères, par régime de santé, un émigré de la rue des Douze-Portes, au Marais, le malheureux Paul Scarron, perclus de rhumatismes, comme on sait, et se jouant, par l’esprit, de toutes les rigueurs du sort. Des gens du meilleur air se donnoient rendez-vous chez lui ; son père avoit été doyen du Parlement, son oncle étoit évèque de Grenoble, sa cousine avoit épousé le duc d’Aumont. Le fameux voyage d’Amérique qu’il projetoit, et dont, selon Loret, Mlle de Lenclos devoit faire partie, étoit alors sur le tapis (1649). Le chevalier de Méré conduisit, chez Scarron, Mme d’Aubigné et sa fille, alors logées rue des Saints-Pères, pour y parler du nouveau monde.

Anne de Lenclos étoit une ancienne amie des Scarron ; elle avoit été leur voisine au Marais, et l’étoit encore à la rue des Saints-Pères. Scarron se fesoit porter chez Mlle de Lenclos, où l’on dînoit souvent ; et par la solennité de sa politesse, envers elle, on peut juger de l’impertinence familière de la postérité avec Ninon, tout court. Anne de Lenclos étoit proclamée, chez Scarron, la fille la plus étonnante du siècle : la seule, disoit-on, que les hommes pussent aimer sans repentir. Villarceaux, l’homme de la Cour le plus élégant, étoit alors, pour elle, l’objet d’une faveur et d’une constance qui surprenoient, parce qu’elle contrastoit avec le système de coquetterie de l’amant, et le plan connu d’éternelle inconstance de Ninon. La comtesse de la Suze qui changeoit de religion pour être séparée de son mari, dans ce monde, comme dans l’autre ; la fringante