Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/323

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1650. L’esprit ne vivoit alors qu’avec l’esprit, quelle que fût la qualité du personnage. Voiture, fils d’un tonnelier, étoit aussi bien venu dans les hôtels de la rue Saint-Thomas du Louvre, qu’à la Cour et à l’hôtel de Condé. La toilette et la ruelle étoient la principale affaire des frivoles ; la table des financiers, l’affaire des gourmands et des parasites ; la protection des grands, celle des intrigants et des dupes. Mais l’esprit dominoit, dans les salons, avec une complète indépendance. Nulle part, cette liberté n’étoit plus applaudie que dans le salon de Scarron. Ce malheureux y perdit même une pension, que la bonne Mlle de Hautefort lui avoit obtenue d’Anne d’Autriche, en sa qualité de malade de la Reine. Son corps n’avoit plus de libre que le mouvement de ses doigts ; il ôtoit son bonnet aux survenants, au moyen d’une poulie, et se grattoit à l’aide d’un bâton crochu. Mais son esprit a conservé, jusqu’à la mort, la désinvolture la plus joyeuse et la plus surprenante.

En ramenant l’observation des bienséances dans le salon de son époux, Mme Scarron augmenta le charme qu’on y goûtoit, de la liberté de l’esprit, et fit rechercher d’autant plus sa compagnie, malgré l’exiguïté de sa fortune, et ses dîners de pièces rapportées. Les œuvres de Scarron sont le monument curieux du goût de cette société. Une jolie pièce de vers adressée à M. Fourreau, et une autre adressée à Mlle de Lenclos, pour ses étrennes, nous montrent l’estime et l’autorité dont celle-ci jouissoit, dans ce salon. Quant aux adorateurs qui s’étoient pressés autour de Françoise d’Aubigné, ils se pressèrent auprès de Mme Scarron, sans la détourner de