Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/351

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duchesse de Luynes, déclare qu’elle a « l’espérance prochaine d’une belle gorge, que sa gouvernante assure se devoir bientôt former. » Les choses les plus scabreuses trouvoient, dans ce monde bien disant, de spirituels narrateurs : le remède de Mme de Brégy, administré par Estoublon ; l’effet de tonnerre dont fut touchée Mme d’Estrées, dans sa royale demeure de la rue Barbette6, et qui eut des résultats si ridicules ; que sais-je, encore ? Voyez plutôt le cynique Portrait que Mme de la Grenouillère a tracé d’elle-même, et le Journal de Dangeau !

Mais on avoit horreur de la mauvaise compagnie et de la vulgarité. Mme de Longueville disoit « que les beaux jours que donne le soleil n’étoient que pour le peuple ; mais que la présence de ce qu’on aime faisoit les beaux jours des honnêtes gens. » Mme de Mauny, dont la parole étoit si dégagée, craignoit toujours de s’encanailler : le mot est de son invention ; et Mme de Lambert ne recommandoit rien tant que « de faire attention à ses sociétés. » Ces belles dames avoient toute raison. La bonne compagnie a toujours formé, en France, une sorte de cité particulière, dans la cité commune ; un état à part, dans l’état qui comprend tout le monde. Les membres de cette cité privilégiée, de cet état à part, se donnent des droits et une liberté, qu’ils ne reconnoissent pas aux autres hommes. C’est Athènes et les Métèques. L’homme


6. Ce superbe hôtel avoit été loué 2000 écus à la fille du chancelier Séguier, Mme de Coislin ; et Tallemant prétend que cette location exhorbitante fit renchérir les maisons.