Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/387

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à l’étranger. À ce sujet, Voltaire nous dit que de mille écrits faits contre le cardinal, le moins mordant fut le seul puni, et le fut après sa mort. La première partie de la remarque n’est pas juste ; car pour être exempte de violence et de grossièreté, la Lettre de Saint-Évremond n’en est pas moins vive et piquante. Mais il est vrai que les mazarinades impudentes de Scarron et de Marigny furent pardonnées, et que la mazarinade élégante et polie de Saint-Évremond ne le fut pas.

Saint-Évremond s’est souvenu avec une douce mélancolie, dans son fragment sur la Retraite, de ce dernier mois qu’il a passé dans la société intime du maréchal de Clérambaut, son ami. « À la prison de M. Fouquet, dit-il, M. le maréchal de Clérambaut avoit la tête remplie de ces imaginations de retraite. Que l’on vivrait heureux, me disoit-il, en quelque société où l’on ôteroit à la fortune la juridiction qu’elle a sur nous ! Nous lui sacrifions, à cette fortune, nos biens, notre repos, nos années, peut-être inutilement ; et, si nous venons à posséder ses faveurs, nous en payons une courte jouissance, quelquefois de notre liberté, quelquefois de notre vie. Mais quand nos grandeurs dureraient autant que nous, elles finiront du moins avec nous-même. Et qu’ont fait des leurs ces grands favoris qui n’ont jamais vu interrompre le cours de leur fortune ? Ne semblent-ils pas n’avoir acquis tant de gloire et amassé tant de biens que pour se préparer le tourment de ne savoir ni les quitter ni les retenir ? C’étaient là ses entretiens ordinaires, un mois durant que je fus avec lui ; et ce courtisan agréable, dont la con-