Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/389

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n’y en a trace nulle part, et c’est une erreur de quelques biographes d’avoir avancé que Saint-Évremond avoit écrit en faveur de Fouquet : il aurait craint, très-justement, de le compromettre davantage. Un sonnet médiocre, mais violent, contre Colbert, et composé par Hesnault, a cependant passé, un moment, pour être de notre auteur12.

La disgrâce a grandi et honoré Saint-Évremond, car il n’a maudit ni son pays, ni son roi, comme Saurin, et il ne s’est point humilié comme Bussy ; mais la triste réalité de l’exil n’en a pas moins été, pour lui, douloureuse et funeste. La proscription n’en a pas moins privé Saint-Évremond du libre commerce avec le public François, qui lui étoit si sympathique, et auquel seul son esprit pouvoit s’adresser naturellement. À la cour de Charles II, il a sans doute retrouvé des mœurs, des goûts et une politesse qui lui rappeloient la cour de France ; et l’aristocratie émigrée à la suite des Stuarts, qui revenoit de l’exil, avec son prince, au moment même où Saint-Évremond y étoit condamné, lui a rendu, en Angleterre, la généreuse hospitalité qu’elle avoit reçue, en France, de la société parisienne, dont notre fugitif étoit l’ornement. Mais, malgré ces hasards réparateurs, et ces chevaleresques procédés, la vérité des choses ne changeoit point pour Saint-Évremond : il étoit proscrit. À la cour de Louis XIV, il fut tenu pour mort, et ceux qui voulurent plaire ne prononcèrent plus son nom. Parmi les hommes de lettres en faveur, il se trouva de bas courtisans


12. Il a été recueilli par Des Maizeaux, dans les Œuvres supposées de Saint-Évremond.