Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/457

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son combat, et le sujet de plainte qu’il pensoit avoir contre M. de Turenne ; mais on nous avertit que le convoi étoit déjà assez loin de la ville : ce qui nous fit prendre congé, plus tôt que nous n’aurions fait.

Le P. Canaye, qui se trouvoit sans monture, en demanda une qui le pût porter au camp. « Et quel cheval voulez-vous, mon Père ? dit le maréchal. — Je vous répondrai, Monseigneur, ce que répondit le bon P. Suarez au duc de Medina Sidonia, dans une pareille rencontre : qualem me decet esse, mensuetum ; tel qu’il faut que je sois : doux, paisible. Qualem me decet esse, mansuetum. »

« J’entends un peu de latin, dit le maréchal : « mansuetum seroit meilleur pour des brebis que pour des chevaux. Qu’on donne mon cheval au Père ! j’aime son ordre, je suis son ami : qu’on lui donne mon bon cheval ! »

J’allai dépêcher mes petites affaires, et ne demeurai pas longtemps, sans rejoindre le convoi. Nous passâmes heureusement, mais ce ne fut pas sans fatigue pour le pauvre P. Canaye. Je le rencontrai, dans la marche, sur le bon cheval de M. d’Hocquincourt : c’étoit un cheval entier, ardent, inquiet, toujours en action ; il mâchoit éternellement son mors, alloit toujours de côté, hennissoit de moment en moment ; et, ce qui choquoit fort la modestie du