Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/512

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spirées par eux, sont de petites douceurs assez agréables, quand on ne cherche qu’à s’attendrir. Avec Corneille, nos âmes se préparent à des transports ; et, si elles ne sont pas enlevées, il les laisse dans un état plus difficile à souffrir que la langueur. Il est malaisé de charmer éternellement, je l’avoue ; il est malaisé de tirer un esprit de sa situation, quand il nous plaît ; d’enlever une âme hors de son assiette : mais Corneille, pour l’avoir fait trop souvent, s’est imposé la loi de le faire toujours. Qu’il supprime ce qui n’est pas assez noble pour lui ; il laissera admirer des beautés qui ne lui sont communes avec personne.

Je pardonnerois aussi peu à Voiture un grand nombre de lettres qu’il devroit avoir supprimées, si lui-même les avoit fait mettre au jour2 ; mais il étoit comme ces pères, également bons et discrets, à qui la nature laisse de la tendresse pour leurs enfants, et qui aiment, en secret, ceux qui n’ont point de mérite, pour n’exposer pas au public, par cette amitié, la réputation de leur jugement. Il pouvoit donner tout son amour à quelques-uns de ses ou-



2. Les Œuvres de Voiture ont été publiées, après sa mort, en 1650, in-4, par son neveu Pinchêne, assisté de Conrart et de Chapelain. Nous devons à M. Ubicini une des meilleures et des plus complètes éditions de Voiture ; Paris, 1856, 2 vol. in-18.