Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/563

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’en être exempt. On aime autant de temps qu’on peut respirer. Ce que je veux dans les amitiés, c’est que les lumières précèdent les mouvements, et qu’une estime justement formée dans l’esprit, aille s’animer dans le cœur, et y prendre la chaleur nécessaire, pour les amitiés comme pour l’amour. Aimez donc, Madame, mais n’aimez que des sujets dignes de vous. Je me démens ici sans y penser, et défens tout ce que je veux permettre. Vous conseiller de la sorte, c’est être plus sévère que ceux qui prêchent, et moins indulgent que les confesseurs.

Si mes souhaits avoient lieu, vous seriez ambitieuse, et gouverneriez ceux qui gouvernent les autres15. Devenez maîtresse du monde, ou demeurez maîtresse de vous, non pas pour passer des jours ennuyeux, dans cette inutilité sèche et triste, dont on a voulu faire de la vertu ; mais pour disposer de vos sens avec empire, et ordonner vous-même de vos plaisirs.

Que tantôt la raison sévère à vos désirs,
Ne leur permette pas le plus secret murmure ;
Que tantôt la raison, facile à vos plaisirs,
Hâte les mouvements qu’inspire la nature.



15. Charles II, roi d’Angleterre, sembloit être, alors, épris de la duchesse de Mazarin ; et celle-ci, loin de répondre à ce sentiment, paroissoit disposée à favoriser la passion du prince de Monaco pour elle.