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DE LA RETRAITE.
(1686.)

On ne voit rien de si ordinaire, aux vieilles gens, que de soupirer pour la retraite ; et rien de si rare, en ceux qui se sont retirés, que de ne s’en repentir pas. Leur âme, trop assujettie à leur humeur, se dégoûte du monde, par son propre ennui : car, à peine ont-ils quitté ce faux objet de leur mal, qu’ils souffrent aussi peu la solitude que le monde : s’ennuyant d’eux-mêmes, où ils n’ont plus qu’eux dont ils se puissent ennuyer.

Une raison essentielle, qui nous oblige à nous retirer, quand nous sommes vieux, c’est qu’il faut prévenir le ridicule, où l’âge nous fait tomber, presque toujours. Si nous quittons le monde à propos, on y conservera l’idée du mérite que nous aurons eu : si nous y demeurons trop, on aura nos défauts devant les yeux ; et ce que nous serons devenus effacera le souvenir de ce que nous avons été. D’ailleurs, c’est une honte à un honnête homme de traîner les