Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/593

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tion : car ils choquent, mal à propos, les inclinations de ceux qui compatissent le plus à leur foiblesse. Il semble que le long usage de la vie leur ait désappris à vivre parmi les hommes : n’ayant que de la rudesse, de l’austérité, de l’opposition, pour ceux dont ils exigent de la douceur, de la docilité, de l’obéissance. Tout ce qu’ils font leur paroît vertu : ils mettent au rang des vices, tout ce qu’ils ne sauroient faire ; et contraints de suivre la nature, en ce qu’elle a de fâcheux, ils veulent qu’on s’oppose à ce qu’elle a de doux et d’agréable.

Il n’y a point de temps où l’on doive étudier son humeur, avec plus de soin que dans la vieillesse ; car il n’y en a point où elle soit si difficilement reconnue. Un jeune homme impétueux a cent retours, où il se déplaît de sa violence : mais les vieilles gens s’attachent à leur humeur, comme à la vertu, et se plaisent en leurs défauts, par la fausse ressemblance qu’ils ont à des qualités louables. En effet, à mesure qu’ils se rendent plus difficiles, ils pensent devenir plus délicats. Ils prennent de l’aversion pour les plaisirs, croyant s’animer justement contre les vices. Le sérieux leur paroît du jugement : le flegme, de la sagesse ; et de là vient cette autorité importune qu’ils se donnent de censurer tout ; le chagrin leur tenant lieu d’indignation contre le mal, et la gravité, de suffisance.