Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/74

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époque, où ont commencé les troubles de la Fronde, Saint-Évremond a suivi le parti de la cour, tandis que Lenet a suivi les Condé, dans les rangs opposés, il n’y a jamais eu de rapports, ni même de rencontre, entre ces deux personnages.

Pendant cet hiver de 1647, que le prince employait à Dijon aux affaires de la succession paternelle, Saint-Évremond occupoit la société parisienne de trois compositions qui sont parvenues jusqu’à nous, et dont il est bon d’entretenir nos lecteurs. Mais il importe de connoître, auparavant, le public d’élite au milieu duquel ces ouvrages furent lancés.

C’était la plus brillante compagnie du temps, dans laquelle Saint-Évremond étoit fort répandu. Il éloit allié des meilleures maisons du royaume : les de Pons, les Fontaine-Martel, les Tillières. Ces derniers avoient une grande existence à Paris ; Loret parle de la mort de la comtesse de Tillières, qui étoit Bassompierre, comme d’une affliction publique. Par les Tillières, Saint-Évremond étoit issu de germain avec le duc de Lorraine, Charles IV ; sa position dans le grand monde parisien, étoit donc excellente. Or, dans cette première moitié du dix-septième siècle, le grand seigneur est, presque toujours, homme de lettres en même temps qu’homme de guerre. Dans la seconde moitié, l’homme de lettres proprement dit se dégage du tiers état, s’élève, et sort du rang de serviteur précaire où il avoit vécu jusqu’alors ; le grand seigneur garde son rang, toutefois, et reste au pair avec l’homme de lettres, en ce qui touche l’esprit. Au dix-huitième siècle, l’homme de lettres monte en dignité, son influence publique s’accroit ; et le grand seigneur est subal-