Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/87

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bienséance, avec ses doctrines indépendantes, sa littérature leste, et une influence incontestable sur la direction des idées et des esprits. À côté des salons des Précieuses, où tout étoit affectation, d’autres salons non moins attrayants, non moins recherchés avoient pour devise la liberté de penser et l’esprit fort. Quoique signalé déjà par La Bruyère, cet aspect de la société Françoise n’a point encore été, ce me semble, l’objet d’une attention proportionnée à son importance.

Au milieu du mouvement si animé du dix-septième siècle, les femmes ont conquis la prééminence sociale, désormais assurée à leur sexe, dans nos mœurs. La femme règne dans nos salons. En prenant part à toutes les conversations, elle y porte le goût, la finesse et le tour délicat qui est propre à son génie. Le savant, pour lui plaire, sera clair, élégant ; l’homme de guerre sera courtois et poli ; l’homme de lettres dépouillera les formes du pédantisme. Il n’y a point de langue, en Europe, sur laquelle les femmes aient exercé autant d’influence que sur la nôtre, parce qu’il n’est pas de pays où la femme ait un empire pareil à celui de nos salons. De par tous les diables, on ne sait comment parler céans, disoient les mal-appris, chez Mme de Rambouillet. Du langage aux manières il n’y a qu’un pas, et l’harmonie s’est ainsi établie entre la langue et les usages.

La conversation, telle que nous l’entendons, étoit chose inconnue, en général, au seizième siècle. On étoit fort pédant, à l’assemblée du conseiller Gillot, bien que la satire Ménippée en soit sortie8.


8. Jacques Gillot logeoit rue de Jérusalem. Voy. le