Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/542

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Dans le commerce on étoit sociable ;
Dans l’entretien, naturel, agréable,
On haïssoit un chagrin médisant,
On méprisoit un fade complaisant :
La vérité délicate et sincère
Avoit trouvé le secret de nous plaire.

L’art de flatter en parlant librement,
L’art de railler toujours obligeamment,
En ce temps seul étoit choses connues,
Auparavant nullement entendues ;
Et l’on pourroit aujourd’hui sûrement
Les mettre au rang des sciences perdues.

Le sérieux n’avoit point les défauts
Des gravités, qui font les importantes ;
Et le plaisant rien d’outré ni de faux :
Femmes savoient sans faire les savantes ;
Molière en vain eût cherché dans la cour
Ses ridicules affectées ;
Et ses Fâcheux n’auroient pas vu le jour,
Manque d’objets à fournir les idées.

Aucun amant qui ne servît son roi,
Guerrier aucun qui ne servît sa dame :
On ménageoit l’honneur de son emploi,
On ménageoit la douceur de sa flamme ;
Tantôt les cœurs s’attachoient aux appas ;
Libres, tantôt ils cherchoient les combats.

Un jeune duc1 qui tenoit la victoire
Comme une esclave attachée à son char,


1. Le grand Condé, alors duc d’Enghien.