Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/136

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lorsqu’il s’agit de trouver l’origine de l’âme. Il n’en est pas de même des formes accidentelles, puisque ce ne sont que des modifications de la substance, et leur origine se peut expliquer par l’éduction, c’est-à-dire par la variation des limitations, tout comme l’origine des figures. Mais c’est tout autre chose, quand il s’agit de l’origine d’une substance, dont le commencement et la destruction sont également difficiles à expliquer. Sennert et Sperling n’ont point osé admettre la subsistance et l’indestructibilité des âmes des bêtes ou d’autres formes primitives, quoiqu’ils les reconnussent pour indivisibles et immatérielles. Mais c’est qu’ils confondirent l’indestructibilité avec l’immortalité, par laquelle on entend dans l’homme, non seulement que l’âme, mais encore que personnalité subsiste : c’est-à-dire en disant que l’âme homme est immortelle, on fait subsister ce qui fait que c’est la même personne, laquelle garde ses qualités morales, en conservant la conscience ou le sentiment réflexif interne de ce qu’elle est : ce qui la rend capable de châtiment et de récompense. Mais cette conservation de la personnalité n’a point de lieu dans l’âme des bêtes : c’est pourquoi j’aime mieux dire qu’elles sont impérissables que de les appeler immortelles. Cependant ce malentendu paraît avoir été cause d’une grande inconséquence dans la doctrine des thomistes et d’autres bons philosophes, qui ont reconnu l’immatérialité ou l’indivisibilité de toutes les âmes, sans en vouloir avouer l’indestructibilité, au grand préjudice de l’immortalité de l’âme humaine. Jean Scot[1] c’est-à-dire l’Ecossais (ce que signifiait autrefois l’Hibernois ou l’Erigène), auteur célèbre du temps de Louis le Débonnaire et de ses fils, était pour la conservation de toutes les âmes : et je ne vois point pourquoi il y aurait moins d’inconvénient à faire durer les atomes d’Epicure[2] ou de Gassendi, que de faire subsister toutes les substances véritablement simples et indivisibles, qui sont les seuls et vrais atomes

  1. Scot (Jean), appelé aussi Scot Erigène, philosophe illustre du ixc siècle, tout imprégné des idées alexandrines, vécut en France sous Charles le Chauve. Son principal ouvrage est le Ilept çiastoç |j.optafjiov (De Divisions nalurœ), publié il Oxford en 1681 par Th. Gale, in-fol. M. Schister en a donné en Allemagne une nouvelle édition. P. J.
  2. Épicure, philosophe illustre de l’antiquité, né à Athènes en 341, mort en 270. La plupart de ses ouvrages sont perdus on en a trouvé quelques fragments dans les fouilles d’Herculanum (Herculanensium volumimim quir. sitperswit, t. II, Nap. 1809 t. X, Nap. 1850). On consultera surtout, sur Épicure Gassendi, De Vilâ, woribus et doclrinâ Epicuri (in-4°, Lyon 1667), et Syntagma philosophie Epicuri (in-4-, La Haye, 1655). P. J.