Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/142

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96 C’est ce que j’ai remontré autrefois à l’excellent M. Pélisson, pour lui faire voir que l’église romaine, allant plus loin que les protestants, ne damne point absolument ceux qui sont hors de sa communion, et même hors du christianisme, en ne les mesurant que par la foi explicite ; et il ne l’a point réfuté à proprement parler dans la réponse très obligeante qu’il m’a faite, et qu’il a mise dans la quatrième partie de ses Réflexions à laquelle il m’a fait l’honneur de joindre mon écrit. Je lui donnai alors à considérer ce qu’un célèbre théologien portugais nommé Jacques Payva Andradius, envoyé au concile de Trente, en a écrit contre Chemnice pendant ce même concile. Et maintenant, sans alléguer beaucoup d’autres auteurs, je me contenterai de nommer le père Frédéric Spee, jésuite, un des plus excellents hommes de sa société, qui a aussi été de ce sentiment commun de l’efficace de l’amour de Dieu, comme il paraît par la préface du beau livre qu’il a fait en allemand sur les vertus chrétiennes. Il parle de cette observation comme d’un secret de piété fort important, et s’étend fort distinctement sur la force de l’amour divin d’effacer le péché sans même l’intervention des sacrements de l’église catholique, pourvu qu’on ne les méprise pas, ce qui ne serait point compatible avec cet amour. Et un très grand personnage, dont le caractère était un des plus relevés qu’on puisse avoir dans l’église romaine m’en donna la première connaissance. Le père Spee était d’une famille noble de Westphalie (pour le dire en passant), et il est mort en odeur de sainteté, suivant le témoignage de celui qui a publié ce livre à Cologne avec l’approbation des supérieurs.

97 La mémoire de cet excellent homme doit encore être précieuse aux personnes de savoir et de bon sens, parce qu’il est l’auteur du livre intitulé : Cautio criminalis circa processus contra sagas, qui a fait beaucoup de bruit et qui a été traduit en plusieurs langues. J’ai appris du grand Electeur de Mayence, Jean-Philippe de Schonborn, oncle de S. A. E. d’à présent, laquelle marche glorieusement sur les traces de ce digne prédécesseur, que ce Père s’étant trouvé en Franconie lorsqu’on y faisait rage pour brûler des sorciers prétendus, et en ayant accompagné plusieurs jusqu’au bûcher, qu’il avait reconnus tous innocents par les confessions et par les recherches qu’il en avait faites, en fut si touché que malgré le danger qu’il y avait alors de dire la vérité, il se résolut à composer cet ouvrage (sans s’y nommer pourtant) qui a fait un grand bruit, et qui a converti sur ce chapitre cet Electeur, encore simple chanoine alors, et