Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/18

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toujours ingénieusement. On fut attentif à leur dispute et sur le point même d’y être mêlé. Voici comment :

J’avais publié un système nouveau qui paraissait propre à expliquer l’union de l’âme et du corps : il fut assez applaudi par ceux mêmes qui n’en demeurèrent pas d’accord, et il y eut d’habiles gens qui me témoignèrent d’avoir déjà été dans mon sentiment, sans être venus à une explication si distincte, avant que d’avoir vu ce que j’en avais écrit. M. Bayle l’examina dans son Dictionnaire historique et critique, article Rorarius[1]. Il crut que les ouvertures que j’avais données méritaient d’être cultivées ; il en fit valoir l’utilité à certains égards, et il représenta aussi ce qui pouvait encore faire de la peine. Je ne pouvais manquer de répondre comme il faut à des expressions aussi obligeantes et à des considérations aussi instructives que les siennes, et pour en profiter davantage, je fis paraître quelques éclaircissements dans l’Histoire des ouvrages des savants, juillet 1698. M. Bayle y répliqua dans la seconde édition de son dictionnaire. Je lui envoyai une duplique, qui n’a pas encore vu le jour ; et je ne sais s’il a tripliqué.

Cependant il arriva que M. Le Clerc[2] ayant mis dans sa Bibliothèque choisie un extrait du Système intellectuel de feu M. Cudworth, et y ayant expliqué certaines natures plastiques, que cet excellent auteur employait à la formation des animaux, M. Bayle crut (voyez la Continuation des Pensées diverses, chap. 21, art. II) que ces natures manquant de connaissance, on affaiblissait, en les établissant, l’argument qui prouve, par la merveilleuse formation des choses, qu’il faut que l’univers ait une cause intelligente. M. Le Clerc répliqua (4e art. du 5e tome de sa Biblioth. choisie) que ces natures avaient besoin d’être dirigées par la sagesse divine. M. Bayle insista (7e art. de l’Hist. des ouvr. des savants, août 1704) qu’une simple direction ne suffisait pas à une cause dépourvue de connaissance, à moins qu’on ne la prît pour un pur instrument de Dieu, auquel cas

  1. Rorario (Jérôme), né à Pordenone en 1483, mort en 1556. Il n’est célèbre que par l’article que Bayle lui a consacré. Son opuscule Quod animalia bruta sœpe ratione utanrur melius homine, publié par Gab. Mandé, avec une dissertation de celui-ci, De animâ brutorum, est son seul ouvrage authentique. P. J.
  2. LECLERC (Jean), célèbre critique, né à Genève en 1657. Il se fixa en Hollande en 1683, et mourut en 1736. Le nombre de ses ouvrages est considérable. Nous citerons surtout ses Entretiens sur diverses matières de théoloyie, Amsterdam, 1685, et sa Bibliothèque universelle et historique (1GS4-1693), à laquelle fait suite la Bibliothèque choisie (1703-1713), formant ensemble 54 vol. in-12. C’est une mine bibliographique inépuisable sur le xviie siècle. P. J.