Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/368

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comme purement positives. Mais les limitations ou les privations résultent de l’imperfection originale des créatures, qui borne leur réceptivité. Et il en est comme d’un bateau chargé, que la rivière fait aller plus ou moins lentement, à mesure du poids qu’il porte ; ainsi sa vitesse vient de la rivière ; mais le retardement qui borne cette vitesse vient de la charge. Aussi a-t-on fait voir dans cet ouvrage comment la créature, en causant le péché, est une cause déficiente ; comment les erreurs et les mauvaises inclinations naissent de la privation ; et comment la privation est efficace par accident ; et on a justifié le sentiment de saint Augustin (lib. I, ad Simpl. q. 2) qui explique, par exemple, comment Dieu endurcit, non pas en donnant quelque chose de mauvais à l’âme, mais parce que l’effet de sa bonne impression est borné par la résistance de l’âme, et par les circonstances qui contribuent à cette résistance ; en sorte qu’il ne lui donne pas tout le bien qui surmonterait son mal. Nec, inquit, ab illo erogatur aliquid quo homo fit deterior, sed tantum quo fit melior none rogatur. Mais si Dieu y avait voulu faire davantage, il aurait fallu faire ou d’autres natures des créatures ou d’autres miracles pour changer leurs natures, que le meilleur plan n’a pu admettre. C’est comme il faudrait que le courant de la rivière fût plus rapide que sa pente ne permet ou que les bateaux fussent moins chargés, s’il devait faire aller ces bateaux avec plus de vitesse. Et la limitation ou l’imperfection originale des créatures fait que même le meilleur plan de l’univers ne saurait être exempté de certains maux, mais qui y doivent tourner à un plus grand bien. Ce sont quelques désordres dans les parties, qui relèvent merveilleusement la beauté du tout ; comme certaines dissonances, employées comme il faut, rendent l’harmonie plus belle. Mais cela dépend de ce qu’on a déjà répondu à la première objection.

VI. Objection. Quiconque punit ceux qui ont fait aussi bien qu’il était en leur pouvoir de faire, est injuste.

Dieu le fait.

Donc, etc.

Réponse. On nie la mineure de cet argument. Et l’on croit que Dieu donne toujours les aides et les grâces qui suffiraient à ceux qui auraient une bonne volonté, c’est-à-dire qui ne rejetteraient pas ces grâces par un nouveau péché. Ainsi, on n’accorde point la damnation des enfants morts sans baptême ou hors de l’Eglise, ni la damnation des adultes qui ont agi suivant les lumières que Dieu leur