Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/130

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Mais que sert de me plaindre au fort de mes ennuis,
Puisqu’elle est insensible au regret qui me tue ?
Que si ses plus beaux jours me sont obscures nuits,
Que n’en perds-je la veue ?

Si tost qu’Amour voulut ravir ma liberté,
Mon œil de son dessin fut le premier complice ;
Ainsi estant sans yeux pour voir ceste beauté,
Je seray sans supplice.


STANCES.


Mourir pour un bel œil seul astre de ma vie,
Et feindre n’aymer point, sont les lois de mon fort,
Et parmy ces rigueurs oùj’ay l’ame asservie,
Mon plus doux entretien c’est l’espoir de la mort.

Amour, quand je la vois ceste ame de mon ame,
Pourquoy comme un esclair reluit-elle à mes yeux ?
Que s’il faut feindre, helas ! brusler d’une autre flame,
O ciel ! c’est trop vescu et triste et soucieux.

Mais si mon bien renaist au doux soir de sa veue,
Pourquoy ce beau Soleil ne luit sur moy tousjour ?
Que si tu crains ô Ciel ! que sa clarté me tue,
Helas ! sois sans pitié, je veux mourir d’Amour.

Lors que par la douleur mon ame est traverser,
Ceste chere beauté donc ne le saura point,
Et ma plainte et mon dueil ne seront qu’en pensée,
Comme si en pensant Amour m’avoir espoint.