Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/138

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STANCES.


Tandis que j’ay vescu content de ma fortune,
Le ciel ne m’estoit rien au prix de mon bon-heur,
Car estimant ma gloire à nulle autre commune,
J’estois remply d’amour & libre de douleur.

Si fallait admirant le gain de ma victoire,
Ravi de tant de biens je mesprisois les Dieux,
Et disois : C’est en vain qu’on pourchasse la gloire,
Si l’on n’est idolastre & captif de ses yeux.

Mais des que possedé d’une jalouse enuie,
J’ay connu le reflus de ceste mer d’Amour,
Contre un mortel regret je fais bris de ma vie,
Mais te regrette moins ma flame que mon jour.

Amour & ses beaux yeux estoient les doux complices
De ma fortune, helas ! trop legere pour moy,
Car il sembloit qu’au monde il n’y eust de delices
Que pour recompenser ma confiance et ma foy.

Rien n’estoit agreable et cher à ma pensee,
Que le doux souvenir de ce contentement,
Je benissois l’amour, quand mon ame blessée
Pour cacher ses faveurs enduroit du tourment.

Car feignant de trainer le plus beau de mon age,
Amoureux de moy-mesme & de ma liberté,
Alors que la douceur me pressoit davantage,
Quelque soupir glissoit de mon cœur agité