Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/283

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détruisent, et comment les hommes n’abandonnent l’objet de leur ambition que pour en poursuivre un autre ; cela prouve également la vérité de cette sentence que Salluste met dans la bouche de César : Quod omnia mala exempta bonis initiis orta sunt.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, les citoyens, qui dans une république se livrent à toute leur ambition, cherchent d’abord à se mettre à l’abri des atteintes non-seulement des simples particuliers, mais même des magistrats. Ils essayent de se faire des amis, et, pour y parvenir, ils emploient des moyens en apparence légitimes ; ils leur prêtent de l’argent dans le besoin ; ils les défendent des attaques des hommes puissants ; ces moyens, qui offrent l’apparence de la vertu, trompent facilement tous les yeux, et l’on ne songe point à porter remède au mal. Parvenus sans obstacles, par une conduite persévérante, à ce degré d’élévation, les ambitieux acquièrent une telle importance, qu’ils se font redouter des simples citoyens et respecter des magistrats. Arrivés à ce point sans qu’on se soit d’abord opposé à leur puissance, ils se trouvent tellement affermis, qu’il devient extrêmement dangereux de chercher même à les ébranler ; et j’en ai déjà dit les raisons en parlant du danger qu’il peut y avoir à tenter de détruire un abus qui a déjà jeté de profondes racines dans un gouvernement ; car alors l’état des choses est tel qu’il faut ou tâcher de déraciner cet abus, au risque d’une ruine soudaine, ou le laisser croître, et se courber sous le joug d’une servitude inévitable, à moins que la mort ou quelque événement heureux ne vienne vous rendre à la liberté. Lorsque les citoyens et les magistrats mêmes tremblent devant un de leurs égaux, et qu’ils craignent de lui faire outrage, ainsi qu’à ses amis, ils sont bien près de rendre la justice ou de prodiguer les offenses au gré de ses caprices.

Ainsi, l’une des institutions les plus importantes d’un État doit être celle qui veille à ce que les citoyens, sous