Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/352

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au soldat, qui jusqu’à cette époque n’avait pas été payé, la courte durée des guerres n’en ayant pas fait sentir la nécessité. Mais, quoique les Romains accordassent une paye à leurs troupes ; que par ce moyen ils pussent faire des guerres plus longues, et que la nécessité d’en entreprendre de lointaines exigeât qu’ils restassent plus longtemps en campagne, néanmoins ils ne varièrent jamais dans leur système de les terminer aussi promptement que le permettaient et les lieux et les temps, et n’abandonnèrent jamais non plus l’usage d’envoyer des colonies dans les provinces conquises. Outre cette méthode qu’ils avaient adoptée, il faut encore attribuer la brièveté de leurs guerres à l’ambition des consuls, qui, ne conservant leur autorité qu’une année, dont ils devaient même passer la moitié dans Rome, voulaient, en terminant la guerre, mériter les honneurs du triomphe. L’usage d’envoyer des colonies se maintint par l’utilité et les avantages considérables qu’on en retirait.

Quant à la distribution du butin, ils y firent bien quelques changements, et n’en furent plus aussi prodigues que dans le commencement, et parce que cela ne leur paraissait plus si nécessaire depuis que les soldats recevaient une paye, et parce que les dépouilles des vaincus étant plus considérables, ils préféraient enrichir le trésor public, afin de ne plus être obligés de consacrer les tributs de la république aux dépenses de leurs entreprises. En peu de temps cette mesure combla l’État de richesses.

Ainsi, par les deux méthodes suivies pour la distribution des dépouilles des peuples vaincus et pour l’envoi des colonies sur le territoire ennemi, les Romains trouvèrent dans la guerre une source de richesse, tandis qu’une foule de princes et de républiques imprudentes n’y rencontrent que la pauvreté. Cela en vint au point qu’un consul ne croyait point véritablement triompher s’il n’enrichissait le trésor d’immenses sommes d’or et