Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/455

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justice, mais encore d’entourer d’estime les citoyens vertueux, et de faire plus de cas de leur vertu que de ces avantages trompeurs dont leurs grandes actions semblaient le frustrer.

C’est, en effet, ce que l’on vit arriver. A peine Rome eut été reprise, qu’on s’empressa de rétablir toutes les institutions du culte antique ; on punit les Fabius, qui avaient combattu contre le droit des gens, et l’on poussa si loin la reconnaissance pour les vertus et la magnanimité de Camille, que le sénat et le peuple, mettant de côté tout sentiment d’envie, remirent entre ses mains tout le fardeau de la république.

Il est donc nécessaire, comme je l’ai dit, que les hommes qui vivent réunis sous un gouvernement quelconque soient contraints de rentrer souvent en eux-mêmes, par la force des événements extérieurs, ou de ceux qui naissent dans son sein. Dans ce dernier cas, la réforme provient ou d’une loi qui oblige les membres de l’État à rendre un compte fréquent de leur conduite, ou d’un homme vertueux qui, né au milieu de ses concitoyens, les instruise d’exemple, et dont les nobles actions aient sur eux la même influence que les lois. L’ordre, dans une république, dépend donc ou de la sagesse d’un seul homme ou du pouvoir d’une institution. Dans ce dernier exemple, les institutions qui ramenèrent la république romaine à son principe furent l’établissement des tribuns du peuple, celui des censeurs, et toutes les lois que l’on porta contre l’ambition et l’orgueil des citoyens.

Ces réformes ont besoin de recevoir la vie des vertus d’un citoyen qui concoure avec courage à leur exécution, malgré la puissance de ceux qui outre-passent les lois. Parmi les châtiments mémorables de ce genre que Rome présente avant d’avoir été prise par les Gaulois, on remarque le supplice des fils de Brutus, la mort des décemvirs et celle de Spurius Mœlius ; après la prise de