Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/595

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et que les Vénitiens resteraient neutres, il les sollicita les uns et les autres ; mais n’en ayant tiré que des réponses évasives et ambiguës, il résolut de les amener à ses desseins en ne leur laissant pas le temps de délibérer : il partit soudain de Rome avec toutes les troupes qu’il put réunir, s’avança vers Bologne, et fit dire aux Vénitiens de garder la neutralité, et au roi de France de mettre ses forces à sa disposition : de sorte que ces deux puissances, pressées par le peu d’espace de temps, et voyant que le pape éprouverait une indignation manifeste si elles différaient ou si elles refusaient, cédèrent à ses désirs ; le roi lui envoya des secours, et les Vénitiens restèrent neutres.

Gaston de Foix se trouvait encore à Bologne avec son armée lorsqu’il apprit la révolte de Brescia. Deux chemins s’offraient à lui pour aller reconquérir cette ville : l’un, à travers les possessions du roi, était long et fatigant ; l’autre, plus court, traversait les États de Mantoue ; non-seulement il fallait passer sur ce territoire, mais on était obligé d’y pénétrer par des chaussées élevées entre des marais et des lacs, que le marquis gardait par des forteresses et d’autres moyens de défense. Gaston, résolu de prendre le chemin le plus court, et ne voulant être retardé par aucun obstacle, ni par l’incertitude du marquis, se mit en marche de ce côté, et fit en même temps signifier au marquis de lui envoyer les clefs du passage. Ce prince, déconcerté par cette subite résolution, les lui envoya sur-le-champ : ce qu’il n’eût jamais fait si le duc de Foix s’était conduit avec moins de chaleur et d’activité ; car le marquis était allié avec le pape et les Vénitiens ; il avait même un fils en otage auprès du pape, et c’étaient autant de prétextes plausibles pour un refus. Mais, surpris par une résolution subite, les raisons que nous avons exposées plus haut le déterminèrent à céder. C’est ainsi que les anciens Toscans en agirent avec les Samnites, lorsque ces derniers les déci-