Page:Œuvres posthumes de Madame la Baronne de Staël-Holstein (1838).djvu/440

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À la plus noble cause il immola sa vie :
Qu’un grain d’encens l’atteigne chez les morts.

LE CHŒUR

Qui combattit pour ses dieux domestiques,
Qui fut le bouclier de sa vieille cité,
A pu tomber sous ses débris antiques,
Mais par l’ennemi même il sera respecté.

XI

Trois âges d’homme ont passé sur ta tête,
Ô Nestor ! vieux convive, oracle des héros !
De la mère d’Hector, au milieu de la fête,
Il croit entendre les sanglots.
Il prend la coupe couronnée,
Le vieillard connaît mal les profondes douleurs :
Tiens, lui dit-il, infortunée,
Bois ce nectar, c’est l’oubli des malheurs.

LE CHŒUR

Croyez-nous, déplorable reine,
Et ne repoussez pas les présents de Bacchus ;
Par sa puissance souveraine
Il rend l’espoir même aux vaincus.

XII

Alors que le ciel implacable
Lançait sur Niobé ses arrêts destructeurs,
Elle n’a point, dans ses douleurs,
Refusé ce jus secourable.
Il retrouvera des beaux jours,
Celui qui fait couler le nectar dans ses veines ;
Car le souvenir de ses peines
Dans le Léthé se perdra pour toujours.

LE CHŒUR

Il retrouvera des beaux jours,
Celui qui fait couler le nectar dans ses veines ;
Car le souvenir de ses peines
Dans le Léthé se perdra pour toujours.

XIII

Sous le poids des fers opprimée,
La prophétesse obéit au Destin ;
Elle voit dans les airs une sombre fumée
Planer sur les débris de l’empire troyen.
Ainsi, dit-elle, sur la terre
Tout disparaît, tout se détruit ;
D’un instant de bonheur la splendeur passagère
S’éteint dans l’éternelle nuit.

LE CHŒUR

Partons, amis ; que nos vaisseaux agiles
Laissent loin derrière eux la crainte et le chagrin :
Sur l’avenir soyons tranquilles,
Peut-être au sein des morts nous dormirons demain.



LE SALUT DU REVENANT

traduit de schiller


Sur le haut de la tour antique
S’élève l’ombre du guerrier,
Et sa voix sombre et prophétique
Salue ainsi le frêle nautonier.

« Voyez, dit-il, dans ma vive jeunesse,
Ce bras était puissant, ce cœur fut indompté ;
Et tour à tour j’ai savouré l’ivresse
Des festins, de la gloire, et de la volupté.

« La guerre a consumé la moitié de ma vie ;
Pendant l’autre moitié, j’ai cherché le repos.
N’importe, passager, satisfais ton envie,
Hâte ta barque et fends les flots. »



ÉPITRE SUR NAPLES, COMPOSÉE EN 1605. Connais-tu cette terre oiî les myrtes fleurissent. Où les rayons des cieux tombent avec amour, Où des sons enchanteurs dans les airs retentissent. Où la plus douce nuit succède au plus beau jour ? As-tu senti, dis-moi, cette vie enivrante Que le soleil du sud inspire à tous les sens ? As-tu goûté jamais cette langueur touchante Que les parfums , les fleurs et les flots caressants , Les vents rêveurs du soir, et les chants de l’aurore, Font éprouver a l’homme en ces lieux fortunés ? L’amour aussi, l’amour vient ajouter encore Ses plaisirs aux plaisirs que le ciel a donnés ; Et le chagrin cruel qui consume la vie. S’efface, comme l’ombre, à la clarté des cieux. La blessure reçue est aussitôt guérie ; On peut mourir ici , mais qui vit est heureux : C’est la terre d’oubli, c’est le ciel sans nuage , Qui rend le coeur plus libre et l’esprit plus léger Dans ce cœur quelquefois il peut naître un orage INIais ne redoutez point un mal si passager. Vous verrez le plaisir rentrer dans son domaine.