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Page:A. Belot - Les Stations de l’Amour.djvu/15

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II

Calcutta, 3 décembre 18…

Hier, vers trois heures, après ma sieste, au moment où, j’allais prendre mon bain, mon boy me remit une carte correspondance ornée à l’un des coins d’une feuille de fougère, et qui ne contenait que ces mots : « Attendez-moi ce soir, chez vous, à six heures. Dora. »

J’eus un soubresaut en lisant ce billet. Quoi ! la belle Dora Simpson allait venir chez moi, après ce qui s’était passé l’avant-veille au bal du lieutenant-gouverneur ?… Mais alors ?… Cependant, l’idée me vint que c’était probablement une mystification de quelques jeunes gens qui, ayant remarqué mes assiduités auprès d’elle, voulaient se moquer d’un Français. Ou peut-être était-ce une femme qui désirait compromettre Dora et me mettre dans une situation ridicule ?… Peut-être aussi la capricieuse jeune fille, excentrique et volontaire comme je la connaissais depuis la scène du jardin, éprouvait-elle vraiment, pour moi, un caprice, sur les suites duquel je n’osais pas trop arrêter ma pensée ?… Bref, j’étais fort perplexe ; mais, mon hésitation ne fut pas longue.

Bah ! me dis-je, si c’est une mauvaise farce, nous le verrons bien ! Le rendez-vous est pour six heures ; d’habitude je ne sors guère avant ; si, à six heures dix, personne n’est venu, je monte dans mon buggy et vais, comme tous les jours, me montrer au Maiden[1]. De cette façon, personne ne pourra se vanter de m’avoir fait attendre sous l’orme.

  1. Le Maiden est une promenade de Calcutta où le « high life » va entendre la musique avant l’heure du souper.
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