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Les détenus de Sainte-Pélagie instituèrent une espèce de club. Pour en faire partie, il ne fallait être ni faux témoin, ni fabricant de faux assignats.

Bientôt les réactionnaires de salons allaient se donner libre carrière.

IV

Après le 9 thermidor, les salons politiques se constituèrent en petites sociétés secrètes, ayant leur mot d’ordre et leur consigne, composées de Clichyens, de Coblenciers, de jeunes habitués du café Garchy, lesquels se distinguaient par leurs usages, leur langage et leur costume.

Le salon de madame de Vaines, femme de l’ancien receveur des finances, s’ouvrit. La Révolution y était exécrée. On y faisait de délicieux soupers. Madame Hamelin, femme du riche fournisseur aux armées, réunissait chez elle des financiers et des personnages à la mode. Les hommes et les femmes parlaient politique dans les petites collations du soir, ou thés^ qui donnaient occasion de recevoir une société nombreuse.

A l’hôtel de Stainville, rue de la Chaussée-d’Antin, n° 3, s’ouvrirent les salons de madame Tallien.

Madame Tallien, pour l’amour de laquelle son mari avait, disait-on, risqué la révolution du 9 thermidor, et qui habitait Chaillot, voulait ramener les beaux jours de la mode et de la galanterie. Ses amis l’appelaient Notre-Dame de Bon-Secours, Notre-Dame de Thermidor ; ses ennemis l’appelaient Notre-Dame de Septembre, par allusion aux massacres des prisons en 1792. Elle s’en souciait peu, s’enivrait de bals, de concerts et de fêtes, ne gardant de l’époque révolutionnaire que le goût du costume antique : tunique grecque, cothurne, diamants aux doigts des pieds. Elle fréquentait madame de Beauharnais, nombre de femmes charmantes et d’hommes de la dernière élégance. Quoiqu’elle ne s’occupât guère de politique, on en faisait chez elle, à cause de son mari. Celui-ci tirait quelque profit du salon de sa femme, où il intriguait fort. « Nous ne parlerons point des dîners particuliers de Tallien, non plus que des députés de Clichy, etc. », disait un journaliste (1). Notre-Dame de Thermidor opéra,, on le sait, une véritable contre-révolution dans les mœurs républicaines.

(1) Journal de Paris, 30 juillet 1796.