Page:A la plus belle.djvu/40

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donner la paix aux hommes raisonnables, je vais vous dire ce que j’ai appris là-bas de l’autre côté du Couesnon sur les choses de l’État. Le sire de Coëtquen, mon seigneur, auprès de qui je tiens charge noble, étant à la cour de François II de Bretagne, j’ai du bon temps que j’occupe à mes affaires et à mes amours.

Cette fois Marcou éclata, et tout le monde l’imita, sauf Mme Reine et la pauvre Jeannine, qui était rose depuis le front jusqu’aux épaules de la semonce détournée qu’on lui avait faite.

— Et quelles sont tes amours, Fier-à-Bras, mon mignon ? demanda messire Aubry.

— S’il vous plaît, mon cher sire, répliqua le nain, ce sont les tourtes d’Ardevon, au bord de la grève normande. Dame Lequien, la boulangère, y met des raisins de Gascogne, des fleurs d’oranger, du miel et bien d’autres douceurs. Je suis fidèle de cœur et constant comme un vrai chevalier doit l’être. Depuis que je porte l’épée, j’aime les tourtes d’Ardevon. Quoi qu’il arrive, je fais serment sur mon blason de les adorer toujours !

— La gourmandise est un péché mortel, fit observer dom Sidoine.

— Et je te prie, enfant, ajouta Mme Reine, choisis ailleurs tes sujets de plaisanterie. À ma table, tout ce qui regarde la noblesse et l’honneur des chevaliers doit être respecté.

Fier-à-Bras s’inclina d’un air confus et répondit :

— Il sera fait suivant votre volonté, noble dame. Je vais vous parler sans rire de l’Homme de Fer, le comte Otto Béringhem, qui ouvre l’estomac des petits enfants par curiosité scientifique et sans songer à mal.

— Prends garde !… commença madame Reine.

— Vous ne voulez pas ? répliqua encore le nain, exagérant l’humilité de sa posture. Eh bien ! je vais vous entretenir du premier chevalier qui soit en cet univers, du roi Louis de France lequel fait dessein d’envoyer un mortel maléfice à son cher cousin, François de Bretagne, notre seigneur.

Toutes les têtes se dressèrent attentives.