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DOUZE ANS DE SÉJOUR

et les donna par investiture annuelle aux cognats impériaux ou à ses créatures, en les liant à la couronne par une vassalité directe. Il institua à perpétuité un nombre considérable de fiefs de franc alleu, tenus, les uns au service de guerre, les autres à payer un cens annuel ; des terres dites de bouclier, de javeline ou de cavalier, semblables à celles dites Ziamet, Timor ou Kilidj, dans la constitution territoriale turque, et dont le propriétaire doit, en temps de guerre et selon leur étendue, soit un service militaire personnel, soit un certain nombre de fantassins ou de cavaliers équipés. Ces dispositions abritaient la couronne derrière une armée de vassaux directs, la plus nombreuse de l’Empire. Il mécontenta ainsi les communes, par des restitutions incomplètes ; les cognats, par la dépendance où les tenait l’investiture annuelle ; le clergé, par son immixtion dans la gestion des biens cléricaux ; l’ancienne noblesse, par la création d’une noblesse nouvelle, et les grands vassaux par leur amoindrissement.

Malgré les efforts de ses prédécesseurs pour faire prévaloir le code de lois importé du Bas-Empire, la nation n’avait cessé de protester de diverses façons de son attachement à ses anciennes coutumes, et les nombreux essais qu’ils avaient faits d’imposer par la force l’usage exclusif de ces lois n’ayant produit que des résultats éphémères, il s’était établi insensiblement comme un compromis, par suite duquel la coexistence des deux régimes de lois fut acceptée, et les causes étaient soumises à l’un ou l’autre de ces régimes, au choix du défendeur. Seulement, les hommes de loi, conformément à leur principe que toute justice émanait de l’Empereur, prélevaient à