Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
177
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

J’appris un jour que le Dedjadj Gabrou, frère et chef de l’avant-garde du Dedjadj Conefo, venait d’arriver dans sa maison du quartier de l’Itchagué. Il m’envoya un soldat pour me dire de me présenter chez lui ; le message, fort laconique du reste, finissait par ces mots : « Sache, ô Turc, qu’il y a à gagner à me servir, car je suis celui qu’on nomme Gabrou. »

Cette forme me parut d’autant plus blessante qu’à Gondar, où l’on ne connaissait des Turcs que leurs vices, l’appellation de Turc passait pour injurieuse.

Je fis répondre évasivement. Bientôt, je reçus un second message moins brutal, puis un troisième ; enfin, je vis arriver un homme âgé, à manières conciliantes, chargé de m’amener à la volonté de l’impatient Gabrou. Cet homme me dit que depuis la bataille contre les Turcs, son maître, qui s’y était signalé, croyait que tout étranger au teint pâle devait appartenir à la nation turque ; que d’ailleurs, il était malade, jeune, impétueux, et que je devais excuser son inexpérience et l’orgueil bien naturel que lui inspiraient son rang et ses succès militaires.

J’acceptai les explications de ce médiateur et je promis ma visite pour le lendemain.

Dès le matin, Gabrou m’envoya saluer courtoisement ; dans l’après-midi, je me présentai et je fus introduit sans attendre. Il était à demi couché sur un alga, au fond d’une pièce obscure, pleine de ses hommes d’armes, debout ou accroupis à terre, et conversant entre eux. Il fit lever d’un signe deux notables assis sur un escabeau, au pied de son alga (lit sans panneaux), me fit asseoir à leur place et se mit à presser mon drogman de questions sur mon