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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

— Étrange ! étonnant ! dit Gabrou ; quant à moi, je ne recule devant quoi que ce soit.

Il saisit le verre, le vida d’un trait et se remettant avec peine :

— Voyons, reprit-il, parlons un peu de ma maladie ; ces soudards sont mes intimes ; on peut tout dire devant eux.

J’eus beau alléguer que je n’étais pas médecin, mes allégations passèrent pour pure modestie ; il fallut se résigner à diagnostiquer. Gabrou me détailla ses souffrances et me demanda quelque remède héroïque, si violent qu’il pût être, disait-il. Son cas me parut mortel ; je ne pus que lui donner des conseils encourageants, et je pris congé, satisfait de la réception qu’il m’avait faite, mais préoccupé de la pensée de son triste destin. Il avait fait signe à ses gens de me reconduire. Deux d’entre eux me suivirent plus loin que les autres, en me pressant tellement de leur découvrir mon opinion sur l’état de leur maître, que je leur dis :

— Vous me paraissez de fidèles serviteurs ; le plus sûr est de demander à Dieu de vous conserver votre prince.

Ils baissèrent la tête.

— Nous espérions encore ! Cependant, merci de ta franchise, dirent-ils, et que Dieu t’épargne la perte de ceux que tu aimes.

Le Lik Atskou m’attendait, impatient d’apprendre les détails de ma visite.

— À la bonne heure ! s’écria-t-il ; voilà une maladie qui consolera les honnêtes gens ! Encore une mauvaise herbe de moins. Que Dieu continue de sarcler de la sorte !

Gabrou voulait absolument des remèdes : il