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DOUZE ANS DE SÉJOUR

tune, en apprenant à fond la langue arabe. Redevenu libre, il arriva enfin en Éthiopie, apprit rapidement l’Amarigna et le Guez, deux langues qui découlent de l’Arabe, et étonna par l’éloquence de son enseignement. Mandé à la cour, il convertit plusieurs dignitaires, des grands vassaux, l’Empereur lui-même, dit-on, ainsi que l’héritier présomptif. Ce dernier, parvenu au trône, en vue d’entraîner plus efficacement ses sujets à abjurer le schisme d’Eutychès, manifesta en cérémonie publique son adhésion à la suprématie du siége de Rome. Après la cérémonie, Paëz prit congé de l’Empereur, pour rentrer à son couvent de Gorgora, près du lac Tsana ; le peuple en grand nombre l’accompagna pour lui faire honneur, jusqu’à la sortie de Gondar. Quand il se trouva seul avec ses compagnons de route, il leur dit que sa mission sur la terre était accomplie, et il entonna le Nunc dimittis. Arrivé à Gorgora, il fut pris d’un accès de fièvre, se coucha et mourut. Plusieurs missionnaires européens avaient rejoint Paëz, et ils continuèrent son œuvre ; mais un fort parti s’étant formé contre eux, ils furent persécutés, expulsés du pays, et le catholicisme fut proscrit.

S’il est des hommes qui ont le privilége de communiquer leur personnalité à ceux qui les accompagnent, il en est aussi à qui le public attribue tous les actes de leurs compagnons. C’est ainsi que les Éthiopiens ont personnifié toute la mission portugaise dans Pierre Paëz, dont ils racontent la légende suivante :

Il arriva chez nous un homme de Jérusalem, nommé Moallim Petros. Sa barbe, d’un rouge ardent, était comme une flamme ; il se disait prêtre, et par sa conduite il l’était ; il parlait le Guez et connaissait tous nos livres et la théologie mieux que nos plus savants : grands seigneurs, femmes nobles, paysannes, soldats,