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DOUZE ANS DE SÉJOUR

de boire jusqu’à ce moment, excepté le samedi et le dimanche, où ils font deux repas. L’olive n’existant chez eux qu’à l’état sauvage, ils la remplacent par une graine oléagineuse nommée nouk, dont ils tirent une huile désagréable, et, selon leur propre témoignage, fort nuisible à la santé. Comme ils ne cultivent aucun fruit et presque pas de légumes, ils en sont réduits, en temps de jeûne, à quelques sauces épaisses composées de farine de pois chiches, de fèves ou d’autres grains, et fortement relevées d’épices qui les aident à manger leur pain. Ils corrigent les mauvais effets de ce régime en buvant d’une bière épaisse nommée tchifko, faite avec de l’orge et d’autres grains ; les gens riches, qui ne boivent habituellement que de l’hydromel, font alors usage de cette bière, qu’on dit être fort nourrissante. Quelques-uns, au moment de se mettre à table, boivent du miel auquel on n’a ajouté que l’eau strictement nécessaire à la déglutition, et ils prennent aussitôt leur repas, car le moindre retard leur rendrait impossible toute ingestion nouvelle. Le miel pris de cette façon fait supporter plus facilement le jeûne du lendemain. Les prêtres accordent la dispense ou confirment sans difficulté les décisions individuelles prises dans les cas dits d’urgence. Néanmoins, on peut dire que la grande majorité des Éthiopiens observe le jeûne du carême, celui d’une quinzaine de jours en l’honneur de la sainte Vierge, et celui du mercredi et du vendredi de chaque semaine. Les gens rigides s’astreignent de plus au jeûne dit des Apôtres, qui dure près de deux mois, et à d’autres jeûnes dont l’ensemble forme près de la moitié de l’année. Montesquieu attribuait aux jeûnes des Éthiopiens leur infériorité dans leurs guerres contre les Turcs. Mais ces derniers ont le jeûne rigoureux du