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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

celle de ces hommes frappés à nos yeux d’infamie, ne fût-ce que pour leur trafic de chair humaine. Tu es venu de si loin, dis-tu, pour apprendre les coutumes et les hommes de notre pays ? Tu ne nous connais pas ; c’est à peine si tu as bu à nos sources, et tu ne parles pas encore notre langue, et la tienne nous est inconnue. Moi qui serais ton père par mon âge, je suis encore trop jeune et trop absorbé par les soins de mon gouvernement, pour avoir de nos pays une connaissance complète. Mais voici Filfilo, qui a vécu plus que moi, et qui sait davantage ; il te dira si nous manquons d’hommes instruits que nous consultons comme des maîtres. Je n’ai qu’à ordonner, et des théologiens, des légistes, des historiens, des hommes sages connaissant les légendes, les coutumes et tout ce qui est dans nos pays, viendront s’entretenir avec toi. Nous autres, nous te raconterons les choses de notre temps, et si tu veux affronter avec nous les privations, nous accomplirons ensemble notre histoire actuelle. Enfin, si malgré tout, le désir de visiter les Gallas continue à te préoccuper, sache que nous poursuivons leur réduction, et qu’il est possible qu’avant peu notre armée passe de nouveau sur leur territoire. Durant mon enfance, j’ai vécu parmi eux ; je parle leur langue, et, j’ai conservé des relations amicales avec plusieurs de leurs notables à qui je pourrai te recommander. Mais que dirait-on de moi, si je te laissais partir dans les circonstances actuelles ? Toi-même, plus tard, tu ne manquerais pas de me juger sévèrement. Consulte-toi bien, Mikaël ; tu dois sentir que tu as nos sympathies. Prends garde d’abuser de cette faveur de Dieu, en t’éloignant imprudemment d’amis qu’il te donne si loin de ton pays.

Très-touché de ces paroles, je répondis au Dedjazmatch qu’en quittant famille et patrie pour voyager,