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DOUZE ANS DE SÉJOUR

diaient à mourir de façon à mêler les applaudissements du cirque aux angoisses de leur agonie. À l’assaut d’une des grottes, une grosse pierre poussée par les Gallas lui avait brisé la jambe et l’avait envoyé rouler jusqu’au lieu où il était. Un des nôtres le mit sur son cheval.

Cependant une troupe d’une vingtaine de Gallas se démasqua résolument et marcha sur nous. Le terrain étant trop mauvais pour les chevaux, nous les laissâmes avec les blessés au pied d’un rocher, et nous prîmes l’offensive avec une décision qui décontenança l’ennemi. La déroute commence par les yeux, a dit Tacite. Les Gallas furent culbutés, ils eurent deux hommes tués et plusieurs blessés. Le brave Beutto nous cria de ménager le terrain, et nous empêcha de céder à l’attraction de l’ennemi, dont la tactique était de nous éloigner de nos montures. Plus loin, une charge imprévue, exécutée par Beutto et quelques cavaliers, coûta encore à l’ennemi deux hommes et un cheval. Nous approchions de notre camp. Bientôt des femmes, occupées à ramasser du bois, jetèrent l’alarme, et nos maladroits ennemis, en voyant des cavaliers et des fantassins accourir à notre secours, disparurent une dernière fois.

À peine rentré dans ma tente, le Dedjazmatch m’envoya souhaiter la bienvenue ; il m’avait fait chercher partout pour le déjeuner ; ma part était réservée, et il voulut que je la prisse devant lui.

— Si tu m’eusses consulté, seigneur maraudeur, me dit-il, je t’eusse donné une compagnie de fusiliers, et tu eusses pu joncher d’ennemis ta promenade.

Apprenant que le Chalaka Beutto était avec moi, il le fit mander. Celui-ci, pour excuser son acte d’indiscipline, insista sur la coïncidence fortuite qui l’avait heureusement mis à même de me ramener au camp.