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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

fantassins à protéger en plaine contre la cavalerie ennemie.

On s’était bien aperçu du danger qui grandissait autour de nous, mais en véritable soldat chacun avait dissimulé cette préoccupation : les chefs se plaisantaient sur leur gaucherie à manier l’enkassé ou à faire du bois ; les soldats se livraient à mille espiègleries. On avait ri et joué comme des enfants. Notre besogne terminée, le silence se fit subitement. Le Prince excepté, chacun quitta sa toge, s’alestit, s’assura de ses armes, du harnais de son cheval, et nous partîmes : deux cents cavaliers environ en avant-garde, les piétons, nos trente fusiliers et les hommes à mule au centre ; le Prince à l’arrière-garde ; chaque corps étant à environ cent mètres l’un de l’autre. Nos fantassins prirent le pas gymnastique, et bientôt les cavaliers ennemis, qu’on estima à plus de deux mille, nous enveloppèrent en fer à cheval. Je fus frappé de l’entente avec laquelle nos gens, sans ordres donnés, répondirent à cette manœuvre. Nos trois corps serrèrent les distances ; éclaireurs, flanqueurs, escarmoucheurs, relais, se détachèrent simultanément et prirent l’offensive sur tous les points. Les Gallas essayèrent d’arrêter l’avant-garde, et la décision qu’ils mirent à la charger nous donna lieu un instant d’appréhender que la mêlée ne s’engageât. Mais des contre-attaques habilement faites par nos flanqueurs maintinrent le combat d’escarmouches ; et sans dévier de notre route, nous continuâmes à avancer rapidement, combattant toujours de façon à refuser le combat sur place. Le Prince, sachant combien les Gallas redoutent les armes à feu, mais s’enhardissent après une décharge inefficace, défendit aux fusiliers de tirer sans son ordre. Il est à croire que la présence de ces fusiliers préserva notre