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DOUZE ANS DE SÉJOUR

Égyptiens, quelques prisonniers parmi les troupes d’infanterie régulière, les interrogea relativement aux évolutions qu’ils venaient de faire sur le champ de bataille, et, frappé de l’ineptie de leurs réponses, il déclara leur intelligence bien inférieure à celle de ses propres soldats.

— C’est sans doute pour suppléer à leur manque d’esprit et de courage, ajouta-t-il, qu’on fait évoluer ces mécréants comme nous l’avons vu. Ils font la guerre comme un troupeau d’esclaves. À une force collective, réglée comme la leur, je préfère le désordre et l’individualité hardie de mes hommes ; ceux-ci, battus sur le champ de bataille, peuvent se relever dans la vie civile ; ceux-là, même vainqueurs, sont faits pour croupir dans la servitude.

Comme le soldat peut aspirer au plus haut grade, il existe dans les armées un grand esprit d’égalité, en même temps que le sentiment de la hiérarchie. Cette égalité se répercute dans la vie civile et se manifeste sans insolence d’une part comme sans bassesse de l’autre. Il n’est point de pays, quelque civilisé qu’il soit, où, à un moment donné, l’homme de guerre ne tienne la première place. En Éthiopie, les préséances sont toujours pour lui ; cette estime est naturelle, sans doute, dans une société établie principalement sur des bases militaires, mais elle prend sa source aussi dans l’esprit d’indépendance qui préside à la guerre, et l’on se demande si ce n’est pas un des mérites de la discipline européenne d’enlever quelque chose de son charme à l’action de s’entre-détruire, de toutes la moins conseillable assurément, quoique la plus universellement admirée.

L’Éthiopien est svelte, souple, adroit, endurci aux fatigues, excellent piéton, quand il n’est pas bon