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DOUZE ANS DE SÉJOUR

eux enrôlent pour leur compte des serviteurs ou doublures. Ils interviennent pour un tiers dans les fonctions de bouchers qu’exercent les bûcherons ; ils coopèrent à l’abattage, au dépeçage de ce tiers, et ils se réservent sur cette portion tous les droits que ces derniers prélèvent sur la viande. Si la peau d’une timbale vient à être crevée, ils fonctionnent de droit sur la première bête à abattre et ils en prennent la peau pour réparer la timbale. Chaque timbalier a deux instruments qu’il sangle sur une mule, et il chevauche sur la croupe en exécutant les batteries ; si la mule vient à mourir, il doit porter lui-même ses timbales un jour durant. Un des timbaliers porte un vaste parasol en étoffe rouge fixé à une longue hampe ; ce parasol ne sert presque jamais à garantir le Dedjazmatch, et pourrait bien avoir été adopté en imitation des princes souverains de l’Inde et du Japon. Un autre timbalier porte un gonfanon en étoffe rouge dont la hampe est terminée par une boule en cuivre surmontée d’une croix de même métal. Ce gonfanon n’est point, comme chez nous le drapeau, l’emblème de l’honneur militaire ; en Éthiopie, on a choisi pour symboliser ce sentiment une timbale maîtresse, la plus grande de toutes, et sur le champ de bataille, le soldat qui prend cette timbale est considéré comme ayant pris le drapeau de l’armée ennemie, et le corps entier des timbaliers lui appartient, dans le cas où la victoire reste à son parti. Le chef des timbaliers désigne un de ses hommes pour faire l’office de bourreau du Dedjazmatch ; il doit recevoir lui-même le condamné des mains du chef des gardes, le remettre à l’exécuteur et surveiller l’exécution. À l’exécuteur revient de droit l’habillement du supplicié. Tout bœuf, âne ou cheval provenant d’une razzia, et