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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

l’ai vu ranger en bataille une armée que j’estime à plus de 35,000 combattants, et, quelques mois après, les événements politiques et les désertions l’avaient réduite à environ 12,000 hommes. Les Chalakas de bandes, comme Cadoc brise-tête et Allain le pourfendeur, du temps de Philippe-Auguste, sont les fléaux des provinces et quelquefois même de leur maître. En campagne, leurs soldats, comme toute l’armée, vivent du butin ; en temps de paix, ils reçoivent des rations, ou bien ils parcourent la province par sections pour y exercer le droit de logement et d’hébergement ; les communes ou les seigneurs de fiefs se cotisent souvent pour acheter leur abstention et obtenir qu’ils aillent exercer un peu plus loin leur désastreux droit de gîte.

La première ambition de ces soudards est de grouper autour d’eux quelques compagnons ou quelques recrues personnelles, et de former ainsi un noyau que leur réputation de bravoure, d’audace et d’insouciante prodigalité peut augmenter jusqu’à les rendre imposants. Ils ne thésaurisent presque jamais et dépensent tout en largesses et en acquisition d’armes. En temps de paix, la rapacité de la soldatesque est contenue dans des bornes assez étroites ; mais en temps de trouble ou de guerre, leurs exactions deviennent ruineuses pour tout ce qui n’est pas soldat. Telle bande de 5 à 600 hommes qui ne comptait qu’une quinzaine de cavaliers, après avoir parcouru le pays pour sa subsistance pendant quelques semaines seulement, rejoindra le camp avec une centaine de chevaux provenant des exactions qu’elle vient de commettre. Aussi, dans les temps de trève ou de paix, s’empresse-t-on de réduire leur effectif, si toutefois quelques centeniers n’ont pas prévenu cette mesure