Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/385

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
377
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

gers du dehors. Dans une telle société, chaque individu a une valeur déterminée : il se trouve lié par obligation bilatérale, et la conscience qu’il a de la solidarité générale fait qu’étant fixé sur ses devoirs envers ses concitoyens, sur ses droits à leur protection efficace et sur sa valeur relative, comme sur celle de chacun, il prend l’habitude de l’obéissance, celle du respect, et une assurance de maintien qui entretient le sentiment de sa dignité. Quel que soit le service rendu à l’homme en vertu de l’obédience hiérarchique, il ennoblit aux yeux des Éthiopiens celui qui le rend ; le service rendu par l’homme à l’homme auquel il a donné sa foi étant fondamental pour eux et le premier après celui qui est dû à Dieu il en résulte que les avilissements qu’on attribue ailleurs à la domesticité sont inconnus. Dans un camp de quelque importance, il se trouve ordinairement un certain nombre d’artisans, tels que forgerons, selliers, ouvriers en métaux, engagés pour la campagne ; quelques-uns sont riches, mais de ce que par état, ils sont serviteurs de tous sans l’être d’un homme en particulier, ils sont regardés comme ne faisant pas partie de l’armée, et sont déconsidérés, tandis qu’il n’en est pas ainsi même des gardiens de la pourvoirie et des bûcherons, gens proverbialement grossiers, dont les services sont tenus pour les plus humbles, mais qui sont du moins inféodés à un maître et peuvent espérer de l’avancement. Les palefreniers, les coupeurs d’herbe, les sommiers même sont regardés comme hommes d’armes, et, depuis le chef d’avant-garde jusqu’au dernier munifice, chacun donne à connaître, par l’indépendance respectueuse de ses allures, la conscience qu’il a de sa valeur. Le respect est partout : quel que soit son