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DOUZE ANS DE SÉJOUR

son s’étend en quelque sorte sur tous ceux qui participent à sa fortune, et le vieux ou le bon serviteur, en maintes circonstances, prendra le pas même sur le fils aîné de la famille.

Le Dedjadj Guoscho n’avait de sa femme, la Waïzoro Sahalou, que deux fils : le Lidj Dori et son puîné Fit-Worari Tessemma ; mais, comme beaucoup de ses compatriotes de toutes conditions, il avait un nombre mal défini de bâtards. Dans cette catégorie, on lui connaissait quatre filles, deux mariées à des Polémarques, vassaux directs du Ras, et deux à des seigneurs de moindre importance. L’opinion publique admettait volontiers la réalité de leur filiation, mais il n’en était pas de même à l’égard de huit ou neuf garçons, dont les mères rapportaient la paternité au Dedjazmatch, et qui faisaient précéder leur nom de la dénomination de Lidj (enfant), impliquant la qualité de fils d’homme de marque.

Peu d’années auparavant, une femme était venue solliciter, comme tant d’autres, quelque libéralité du Dedjazmatch. Selon l’usage, elle se présenta, un cadeau à la main, et, par une allusion qui ne fut comprise que dans la suite, elle fit consister son cadeau en une de ces petites corbeilles à couvercle, dans lesquelles les hommes aisés en voyage font porter leur collation. Le Prince désigna Ymer Sahalou comme baldéraba de la solliciteuse. Ce baldéraba (maître de parole) est une espèce de patron introducteur, servant d’aide-mémoire et d’intermédiaire entre son maître et les solliciteurs, même de son entourage, lorsqu’ils ne sont pas admis dans une intimité qui les autorise à rappeler directement leurs demandes. Ymer transmit à son maître les confidences de sa nouvelle protégée, d’où résultait pour le Dedjazmatch la paternité d’un