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DOUZE ANS DE SÉJOUR

gnit en faisant parader son cheval et en criant :

— Ô moi, Birro ! seigneur du Dempto, du coureur isabelle que rien n’arrête, voilà comment je relève mon écuyer !

Et, emmenant tous ses cavaliers, il continua sa course jusqu’à son logement, laissant là son suzerain.

L’usage voulait impérieusement qu’avant de se retirer, il reconduisit le Ras jusqu’à sa porte, le bouclier au bras en signe d’allégeance ; il avait donc commis une double infraction en frappant brutalement son seigneur et en l’abandonnant sur le mail. Le Ras se contenta de dire :

— Il vaut mieux que ce dadais soit parti ; il ne fait que désordonner le jeu.

La Waïzoro Manann, instruite sur le champ de l’événement, gronda vertement son gendre par message.

Le soir, ayant soupé comme d’habitude en compagnie de ses commensaux et soldats favoris, il fit évacuer sa grande hutte et resta seul avec son conseiller intime Tiksa Méred, et son cheval Dempto. La pièce n’était éclairée que par une braisière qui flambait au milieu ; dans le fond, Dempto mangeait son orge, aux tintements argentins de sa sonnaille, et Birro, accroupi sur un tapis à terre, tisonnait en délibérant à voix basse avec Tiksa Méred, accroupi aussi en face de lui, sur les suites probables de son emportement du matin.

Les circonstances de cette soirée m’ont été racontées si souvent qu’elles sont restées dans ma mémoire, comme si j’en avais été le témoin.

Tiksa Méred, natif de l’Enneussé et âgé seulement d’une trentaine d’années, jouissait déjà d’une réputa-