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DOUZE ANS DE SÉJOUR

Birro survint ; il était seul et il se mit à galoper en rond devant nous, en criant :

— Birro ! Birro ! l’esclave de Guoscho ! Birro, le père de Dempto ! de l’isabelle !

Le teint assombri, les lèvres desséchées, la voix cassée, il paraissait harassé, et il avait l’air d’un criminel. Son bouclier pendait à l’arçon ; sa lourde javeline était tortuée et sanglante, et sa ceinture également souillée de sang ; sa cotte d’armes de mousseline blanche, toute déchirée, se collait en pandeloques sur les flancs de Dempto couvert de boue et d’écume. Comme Monseigneur ne ralentissait pas son allure, Birro lui dit précipitamment, en guise de thème de guerre :

— Monseigneur, voilà comme tes ennemis sont traités par moi, Birro, ton fils, ton soldat, ton bras, ta javeline ! Rappelle-toi que tant que la poussière n’aura pas recouvert mon corps, tant que Birro sera au soleil, il en sera, comme tu vois, de tous ceux qui voudront s’élever contre mon père.

Puis, décrochant son bouclier et s’inclinant jusqu’à l’arçon :

— Monseigneur est le bien venu à la victoire, dit-il.

— Amen ! Heureusement, Dieu l’a protégé.

En nous quittant, Birro reconnaissant le Chalaka Tedjaubasse qui nous suivait péniblement à distance, lui cria :

— Ah ! roncin, toi aussi, tu as voulu trahir tes maîtres !

J’eus à peine le temps de prévenir Monseigneur ; en deux bonds, il fut auprès de son fils, qui, le bras levé, allait fendre la tête de Tedjaubasse.

— Par ma mort ! Birro, laisse donc. Tuer un vieillard !